Mais ces mots le laissaient dans l’obscurité de son in-pace.
En octobre, le journal Le Matin annonçait une prise d’armes aux Invalides pour le lendemain onze heures et dans l’appartement de la famille Destange tout le monde était fébrile. On astiquait ferme à l’office les boutons de l’uniforme de « Monsieur René » car tout le monde irait assister à la remise de la médaille militaire de « Monsieur Daniel ». Gilette elle-même — dont les dernières clartés de jeunesse s’étaient éteintes depuis le coup suprême — tâchait de se préparer une tenue moins sévère. Elle essayait un col de linon et coiffait un nouveau chapeau ; mais elle s’énervait à ces détails. N’y tenant plus, elle interrompit la lecture de son mari :
— Est-ce que tu ne trouves pas qu’Ils sont en retard ?
— Mais non ! René est allé chercher Daniel et ils seront ici dans quelques minutes.
— Si nous allions à leur rencontre ?
— Le temps est beau ? Pourquoi pas ! Je prends ma canne.
Le père et la mère — arrivés sur les boulevards — virent de loin leurs deux fils assis sur un banc. Ils étaient flanqués à droite et à gauche de midinettes charmantes.