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mamelle, où toussaient des catarrheux, où suffoquaient des asthmatiques ; où de toutes les chevelures, de toutes les transpirations montait un relent de fièvre et de son mouillé ; pour comprendre que cette seule torture de l’odorat pouvait suffire à décourager un civilisé. Fatalement la vermine naquit de cette misère surchauffée ; et la malpropreté qu’engendre la passivité des désespérés, favorisa le pullulement des poux les plus divers. La horde des cafards, qu’on voit sourdre de toute humilité malsaine, rôda sous les minces couches de paille. Leurs pattes crissaient aux brins desséchés, ou s’empêtraient dans les nattes des femmes ; et, — dans l’ombre des longues nuits d’hiver, — les enfants épouvantés par ces frôlements d’insectes sans essor, pleuraient et aggravaient les cauchemars voisins. Le jour, chacun mesurait à la pâleur des autres l’étiage de la souffrance commune ; et quand la mort raidissait un cadavre, on ne le pleurait pas, on enviait son évasion. Si le poète a pu écrire :

— Partir, c’est mourir un peu.

Les prisonniers ont pu rêver :

— Mourir, c’est partir un peu.

Les mois succédèrent aux mois. L’accoutumance était venue adoucir certaines répugnances ; et la discipline — à force de s’imposer — avait militarisé jusqu’au désespoir. Une sorte d’automatisme fit agir tous les accablés. Une propreté relative rendit supportable les contacts permanents, et les sym-