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avait négocié son retour ; le papier était à la signature de la place. Au lieu d’éprouver une joie immense, M. Bonfils, en écoutant l’officier pensait à Jeanne Deckes dont la bronchite teintait de rouge le mouchoir à chaque quinte. Il se demandait ce que deviendrait le petit sauvageon que la guerre avait semé et il restait bouche close devant le hauptmann, interdit de tant de calme.

— Ne pourriez-vous, Monsieur, faire partir à ma place Mme Jeanne Deckes et son fils ?

— Une permutation est toujours possible… Mais, quel mobile vous pousse ? Cette femme n’est pas votre parente ? vous risquez…

— De mourir en captivité ? Qu’importe à mon âge, Monsieur ?

— Je vais communiquer votre demande à l’autorité compétente.

M. Bonfils courut à la baraque Nord 64, et tout ému prit les mains de la doctoresse.

— Mon enfant, vous allez probablement partir à ma place. Je vous ai cédé mon tour.

Jeanne Deckes ne put retenir ses larmes.

— Vous avez fait cela ? Pour moi ?

— Pour vous… et pour Lui !

Sa vieille main désignait le berceau fait d’une caisse à provision, bourrée de paille.

— En effet, il a des droits, mais vous aussi…

— Chut ! S’il me faut mourir en exil j’accepte le destin. Songez qu’on me renverrait, non pas auprès