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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

depuis midi jusqu’à deux heures, pour enrichir l’Europe et les Indes et empêcher les banqueroutes.

« Avant de vous peindre la passion de mon héros pour les nouvelles, je devais vous dire, messieurs, ce que c’est qu’un nouvelliste : c’est un personnage qui connaît, à l’entendre, les plus petits buissons de la Prusse ducale, les sentiers les plus écartés du Hanovre et tous les cailloux du Rhin ; il croit régler les intérêts des potentats comme son petit ménage, situé à un sixième de la rue du Foin. Enfin, un nouvelliste est un petit être à deux pieds, à qui la nature a refusé les talents du bel esprit, et qui, possédé de la fureur de parler, croit tout savoir, tout deviner et tout connaître. Qu’il est aisé, messieurs, de renfermer dans une grosse tête cinq à six nouvelles ! qu’il est facile de prédire qu’avec la poudre à canon et la méchanceté des hommes, on peut rougir les fleuves de sang, joncher les plaines de cadavres ! et quel génie faut-il enfin pour assurer que la mésintelligence de nos généraux a fait tous les succès du général hanovrien. »

Après l’oraison funèbre, on enterra dans l’église les restes puants de M. Robin. Les fidèles chrétiens, pour conserver la mémoire du temple d’Épidaure, ont le saint usage de paver le sanctuaire de leur Dieu, de crânes, d’ossements et de cadavres. Nous parcourûmes l’église, elle était parquetée d’épitaphes qui n’apprenaient rien à l’humanité, que les noms stériles des gens qui s’étaient remplis et vidés pendant quelques années.