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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

renoncer à mettre en actions, dans tes jeux, l’idole à laquelle les cœurs sacrifient.

« L’amour est une vertu en France. Tes Bayard, tes Montmorency, tes Châtillon et tes premiers seigneurs, servaient l’honneur à ce dieu. Tes vieux romans sont les monuments durables de leur amour sage et de leur respect pour leurs dames. Un peuple, qui a reçu de ses aïeux un penchant aussi noble, peut-il l’ôter de ses spectacles ? Quelle langueur n’y trouverait-on pas sans ces tableaux ? Les passions honnêtes ne rougissent point ; il est digne de ta reconnaissance ; tu lui dois ton génie et Zaïre.

« La couronne de Terpsichore, possédée longtemps par les Italiens, est sur ta tête. Quelle grandeur exprimée dans les caractères d’un opéra tragique ! quelle légèreté dans tes pantomimes ! quelle finesse dans tes opéras comiques ! la saillie des chansons, l’air fin des vaudevilles n’ont pu être imités des autres nations.

« L’harmonie ne tardera pas à placer son trône à Paris. La musique italienne, toujours si semblable à elle-même et dont les modulations précipitées fatiguent l’oreille du sage, lassera le goût de ses partisans. Encore un Rameau, et le spectre de la musique est entre tes mains ? Les vaines et les vicieuses déclamations de M. Jean-Jacques, qui ne trouve rien à son gré que ses propres paradoxes, ne doivent point imposer des lois à ton goût ; laisse-le en possession d’abuser de l’aménité de la nation, laisse-le crier pour ne rien t’apprendre.

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