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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

sous sa nouvelle parure, le comte ne cessait de la regarder, il retrouvait dans ses traits l’expression de ceux qui l’avaient captivé dans mon printemps. Nous demandâmes à notre fille l’histoire de sa vie ; elle rougit, se tut un moment, puis elle nous dit : « Si les faiblesses de l’amour sont capables de déshonorer votre sang, plaignez-vous au Ciel de m’avoir donné le jour, je n’ai suivi que les tranquilles impressions de ce dieu, le mauvais exemple et le libertinage ont entouré mon berceau, mes premiers soupirs ont été des crimes amoureux, et le naufrage de mon innocence, le moment le plus délicieux de ma vie.

« Le feu de la vertu semblable au feu superstitieux de Vesta, m’a paru allumé par la politique ; j’ai vu l’inutilité d’entretenir la flamme aussitôt que j’ai connu les hommes ; le désir et l’empressement qu’ils ont marqués à l’éteindre dans mon cœur m’ont fait croire qu’elle n’était rien. Les assemblées, les tête-à-tête, les promenades, les carrosses publics, les grands chemins, partout où j’ai trouvé des hommes, j’ai rencontré des ennemis de ma vertu. Pouvais-je rougir seule des faiblesses de l’humanité, et trouver la vertu aimable, quand mille ravisseurs déclamaient contre elle ? elle m’a paru plutôt une indisposition de l’âme qu’un bien réel. Et comment pouvais-je sans stupidité la préférer à l’instinct naturel du plaisir ? » Après ce début, ma fille nous raconta son histoire.