Page:Dulaurens - Imirce, ou la Fille de la nature, 1922.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
7
IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

du goût pour le travail. J’admirais la nature, qui avait pourvu si abondamment aux besoins des hommes, en leur fournissant des bras. Frappé de cette attention, je me prosternai à terre et je m’écriai : « Ô Providence féconde, que tu aimes les mortels ! Comment, je n’ai qu’à remuer les bras, et rien ne manquera désormais à ma félicité ! » Je travaillai encore quelques jours chez le boulanger. Le hasard me procura la connaissance d’une dame française, qui m’offrit vingt arpents d’une terre inculte et une chaumière délabrée ; je courus habiter cette paisible retraite, et j’y trouvai ma subsistance. Un libraire d’Amsterdam, qui n’était point de ces durs libraires hollandais, m’envoya quelque argent pour acheter deux vaches, qui fournirent abondamment à mes besoins. Enchanté de mon nouvel état, jaloux de te faire part de mon bonheur, je t’écrivis, ma chère Zéphyre : « ô doux objet, que l’univers connaisse ton cœur ; il sera toujours plus cher à mon âme que ta beauté éclatante ».

Te souvient-il, Zéphyre, du moment fortuné où nos cœurs s’entr’ouvrirent ? Une tante avare et détestable t’appela du fond de la province à Paris ; son infâme avarice te sacrifia dès l’âge de quinze ans à l’inepte passion d’un riche publicain. Ce fermier t’accabla de richesses, de biens et de ses feux impudents : ton cœur, qui n’avait connu que l’innocence, gémissait dans ses bras coupables ; nous nous trouvâmes par hasard à Versailles ; tes yeux rencontrent les miens, une forte sympathie lia nos