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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

plus délicieux que des yeux bleus, qui ne sont que des promesses de vie future.

Les dangers auxquels j’étais exposée à l’armée, la faiblesse de ma santé, ma grossesse qui avançait, obligèrent Dupéronville à m’envoyer le reste de la campagne à Louvain, où j’accouchai, avant terme, d’un enfant mort. Dès que je fus rétablie, je fis la connaissance d’un étudiant qui venait boire dans mon auberge.

L’étudiant était un sot, comme le sont tous les écoliers de Louvain ; il fut quinze jours à me rendre des soins sans avoir la moindre idée d’être un peu entreprenant ; j’eus beau me décolleter, affecter des airs penchés, ces dépenses ne me conciliaient pas la bienveillance de mon benêt d’amoureux ; ses entretiens roulaient toujours sur sa famille, dont il disait tout le bien possible ; sa marraine faisait de grandes charités aux Capucins ; son père avait acheté une maison dans la petite rue des Longs-Chariots à Bruxelles. Il savait son catéchisme comme un maître de pension, me parlait sans cesse d’Aristote, voulait m’apprendre le latin ; les premiers mots qu’il m’apprit furent, vis ne accipere aquam thé ? il m’assurait sur sa conscience que cela voulait dire : Voulez-vous prendre du thé ?

Depuis un mois que ses conversations me rafraîchissaient, je n’avais point désespéré de vaincre l’innocence de mon amant ; sa figure était plate, mais elle me plaisait. Un matin que ses mains étaient engourdies de froid, je les réchauffais dans les