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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

tage un chiffon coiffé qui prononce bien les vers, qu’un auteur qui les fait bien[1].

« Notre cousine fut attaquée de quelque accès de dévotion dans ses grandes douleurs, elle consulta les avocats pour savoir si une fille qui fait son métier sur les planches, pouvait être enterrée dans la terre sainte, comme les filles de la Montigny, qui le font sur des matelas. Les avocats, après avoir examiné et pesé la terre sainte et la terre profane, les planches et les matelas, ont décidé que notre cousine ne pouvait avoir de la terre sainte, à cause qu’elle travaillait sur les planches, que si elle voulait quitter les planches, et travailler sur les matelas, elle aurait la terre sainte comme les filles de la Varennes et de la Dubuisson. Le galimatias des avocats calma les remords de notre parente, car rien ne calme mieux les remords, disent les constitutions des Jésuites, que nos mauvais raisonnements.

  1. Une actrice arrive à la Comédie dans un char azuré. Celui qui a composé la pièce qu’elle va représenter, y entre avec des chausses percées, et crotté jusqu’aux cheveux. L’actrice est chantée de tout le monde, l’auteur est accablé d’impertinences, d’épigrammes, de chansons par ses camarades les auteurs. Voilà comment tout est sensé à Paris, et qu’un peuple conséquent distingue et honore les talents.

    Des sots provinciaux et les badauds de la capitale se font une gloire de connaître les actrices et les acteurs. Dans les conversations ils se parent avec emphase de leur nom, et se font un triomphe de leur avoir parlé. J’aimerais mieux entendre un homme se glorifier d’avoir touché un bon violon, de connaître une excellente guitare et d’avoir un bon clavecin de Ruckers. Car une actrice aussi parfaite qu’on puisse l’imaginer, ne mérite pas plus d’égards qu’une bonne flûte traversière.