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Page:Dulaurens - Imirce, ou la Fille de la nature, 1922.djvu/241

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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

Père, chatouillé de la divinité de ses ouvrages, s’écria d’une voix cassée et infaillible : « Abraham Chaumeix est l’enfant gâté des préjugés ». Ce grand homme est semblable aux puces exposées au soleil, et qui sautent et gambadent pendant la chaleur ; Abraham, échauffé du soleil des préjugés, s’escrime, se démène, injurie et fait merveille. Le pape ne borna point ses bienfaits à ce compliment sublime, il lui envoya le bref suivant :

BREF du Souverain Pontife à maître Abraham
Chaumeix, sur l’Estrapade, à Paris.

« Votre confrère, M. de Voltaire, qui écrit aussi divinement que vous barbouillez prodigieusement, nous a envoyé, à votre exemple, deux poèmes à peu près chrétiens : le poème de Fontenoi, et la belle tragédie de Mahomet ; nous l’avons remercié de ces présents en le canonisant, aussi grand qu’il était, de nos bénédictions vraiment catholiques, apostoliques et romaines. Je ne sais trop ce qu’il en sera ; il a cependant promis, s’il faisait soleil, la veille de Noël, d’amener à la messe de minuit les belles filles du Valais, Mme l’Étrange et les pêcheurs du lac de Genève. Cela serait bien édifiant de voir le plus beau génie de l’Europe et les beaux génies suisses venir dire Amen à la belle oraison de la Vierge, que nous chantons à la post-communion. Mais entre nous, Abraham, nous ne croyons point que