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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

de conserver celle qui avait tâté de l’expérience, et essuyé les conditions disgracieuses du testament. Mon grand-père avait aimé les femmes, il se radoucit, et me dit : « Il faut que jeunesse se passe ; j’aime mieux te trouver dans les bras d’une fille que dans un cabaret ; les bras d’une fille sont plus honnêtes qu’un cabaret. Du temps de François Ier nous faisions l’amour dans les tavernes, le soleil du vin échauffait nos cœurs, nos maîtresses enivraient nos cœurs, nos soupirs amoureux ne s’élançaient dans les airs que lardés de gros hoquets vineux ; on est sage dans ton siècle, les filles ne sont pas tachées de vin, on fait l’amour à sec. »

Mon grand-père voulut voir Paris ; je pris un fiacre, nous passâmes au Pont-Neuf ; il fit arrêter la voiture vis-à-vis d’Henri IV ; il donna des larmes de tendresse à ce grand prince. « J’ai vu sa roue dans l’enfer, elle n’y resta qu’un moment, elle ne s’était presque point altérée dans son vase ; et hors quelques plis de cotillon qu’on redresse aisément, elle était exactement ronde. Voilà le plus grand de tes rois, le plus approchant de Xenoti, digne en tout sens de la couronne de François Ier. »

Plus loin, mon grand-père fut frappé de la majesté du Louvre ; en visitant cet édifice, il s’arrêta vis-à-vis d’une grande porte où l’on avait crayonné avec du charbon quarante figures : « Qu’est-ce que ce barbouillage ? me dit-il. — Papa, ce sont les quarante immortels. — Nous ne connaissions point des hommes de cette race du temps de François Ier. — Je

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