pleurs éteignirent mon désespoir, je sentis naître dans mon âme cette chère tristesse, que la nature accorde aux cœurs sensibles, qui, sans adoucir tout à fait nos maux, leur donne un soulagement qui rend supportables les plus affreux malheurs.
La tendresse de Xan-Xung et de Lucrèce nous faisait plaisir ; le Comte me priait de les rendre heureux. Un matin je dis au Chinois : « Votre amour pour ma fille m’est trop agréable, je vous estime et j’accorde Lucrèce à vos vœux. » Ma fille, transportée de joie, sauta à mon col, à celui de son père et de son amant. Ce dernier versa des larmes de joie et de tristesse et me dit : « Madame, que je suis heureux de voir ma passion approuvée d’une femme aussi sage que vous ; je voudrais accepter la main de Lucrèce, mais un château à une lieue de Paris met un obstacle invincible à mes désirs. » À ce propos, nous nous regardâmes les uns et les autres, nous crûmes que la tête avait tourné au petit-fils du Tonquin de la Chine. — « Es-tu fou, mon pauvre Xan-Xung ? Quel rapport y a-t-il entre ma fille et ton château auprès de Paris ? Es-tu seigneur de cette campagne ? — Hélas ! si elle m’appartenait, je mettrais dès l’instant à la porte tous les gens qui y sont. — Tu serais méchant. — Non, madame, je suis incapable de l’être. — Mais tu écartes la question ; je ne puis concevoir comment un château qui n’est point à toi peut t’empêcher de t’unir avec une fille que tu aimes ; enfin, quel est donc ce