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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

dions : d’où venons-nous ? que sommes-nous ? que faisons-nous ? où irons-nous ? Ces questions nous confondaient la tête.

Mon mari, plus éclairé, me disait : « Cette cave ne s’est pas faite d’elle-même ; un Emilor plus intelligent que nous l’a arrangée ; c’est sans doute celui qui fait descendre le panier. Ce que nous appelons rien, est peut-être quelque chose connu à lui seul. S’il ne se montre pas à nous, c’est qu’il n’a que faire de se montrer ; nous le connaissons assez par sa cave, son panier et son pain. Ne nous creusons donc pas la tête à chercher ce qu’il veut que nous ignorions ; nous ne pouvons pas faire une cave comme lui, vivons dans la sienne, caressons-nous et mangeons son pain. »

La mort ou la puanteur embarrassait mon époux ; la conduite du maître l’étonnait. « Cette puanteur, disait-il toujours, gâte sa cave. » Comme nous jouissions d’un peu de clarté, nous avions donné au jour le nom de l’œil du maître, à la nuit l’œil de la puanteur. Quand la dernière venait ensevelir notre prison, nous nous couchions pour signifier que la puanteur voulait que nous fussions dans l’attitude ou elle nous mettait lorsqu’elle nous attaquait ; quand le jour paraissait, nous nous tenions debout pour montrer que l’œil du maître voulait nous regarder. Mon époux avait observé l’inégalité des jours et des nuits ; elle lui fit croire que la puanteur et le maître du panier s’étaient arrangés pour faire les jours courts ou plus longs.