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LA VILLE SANS FEMMES

préparer les repas royaux lors du passage de nos Souverains. Son arrivée parmi nous fut considérée comme une aubaine et l’on s’écria : « Voici enfin le chef que nous cherchions ! »

Le nouveau Vatel, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, organisa le service de la cuisine au point que tout ce qui nous fut servi après ce jour mémorable portait en quelque sorte sa marque personnelle. Les sauces changèrent de goût et la nourriture prit une saveur nouvelle.

Non pas que l’ordinaire fût subitement devenu lucullien. Si adroit qu’il soit, un chef est limité par ce que peuvent donner les denrées qu’on lui fournit. Mais l’éternel porridge flanqué des non moins éternelles lichettes de bacon avaient plus de « jus » et alternaient avec des omelettes plus relevées. Même le bœuf, ou madame sa femme qui le remplaçait souvent, éveillait une appétance plus marquée en dépit de la persistance avec laquelle il revenait sous l’un des quatre aspects du pot-au-feu, du rôti, du ragoût ou du haché.

Un soir, enfin, se produisit un grand événement. On servit des macaronis à la tomate. On ne s’imagine pas ce que peut être ce plat traditionnel pour des Italiens. Ils ne mangeraient que cela. Ils s’en régalent. Ils s’en délectent. C’est pour eux non seulement un plaisir mais un besoin.

Un jeune et éminent médecin de Toronto m’a raconté qu’un de ses clients, un napolitain diabétique, ne pou-