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L’HEURE DU VAGUEMESTRE

tre en une forme agréable les idées que le petit marin lui exprimait. Mais, peu à peu, il finit par devenir éloquent. D’autant qu’il venait de couper toute relation avec sa femme et qu’en écrivant à cette inconnue, sous la signature d’un autre, il pouvait laisser glisser un peu de lui-même. La correspondance monta rapidement de ton. On en vint aux belles envolées tendres, aux grands mots d’amour. C’était une griserie à trois !

Un beau jour, le marin alla trouver l’ami et lui dit sur un ton grave :

— Ce n’est pas moi qu’elle aime ! C’est toi !

— Tu es fou ! protesta l’autre, étonné.

— Oui ! Lis ce qu’elle vient de m’écrire…

Et il lui montra une feuille de papier sur laquelle la jeune fille avait tracé ces mots :

« Mon chéri, j’ai lu et relu dix fois ta jolie lettre folle… Sache que je ne veux plus vivre sans tes paroles d’amour qui chantent dans ma tête et dans mon cœur comme une chanson joyeuse de printemps… »

Cyrano réincarné après trois siècles !…