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LA TOUR DE BABEL

pas y parvenir, il se laisse emporter par un grand éclat de colère, et, frappant du poing sur la table, s’écrie, plus fort que tous :

— En voilà assez, avec vos récriminations ! N…d…D… ! Vous parlez comme si j’avais été maître de décider. Vous savez pourtant bien que, dans la marine marchande, on ne peut lever l’ancre que sur l’ordre de l’armateur… !

Ces paroles suffisent à obtenir l’effet escompté. Si le silence absolu n’est pas tout à fait atteint et si l’on entend encore quelques grognements (qu’en argot de navigation les marins italiens appellent le mogugno), le vacarme d’il y a un instant s’est apaisé. C’est alors qu’entre en action le capo, le chef aux machines, un homme à la douceur persuasive, aimé par tout le monde, dont les paroles simples et touchantes, les arguments directs et convaincants finissent par emporter les dernières résistances.

Comme sur l’océan, la tempête est finie. Le beau temps revient.

Les marins allemands forment trois groupes distincts, chacun de ces groupes étant constitué par l’équipage d’un des trois navires sur lesquels ils furent capturés. Ce qu’il faut toujours admirer, chez les Allemands, c’est leur esprit de discipline, qui ne désarme jamais, quelles que soient les circonstances. Les officiers et les commandants jouissent auprès de leurs hommes de la même autorité qu’ils avaient à bord de leur bateau.

Ici, dans notre petite ville, ces marins se montrent intransigeants et « tough ». Ils font les « durs ». Ils imposent indirectement leurs quatre volontés.