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LA TOUR DE BABEL

Dans une Europe parvenue au bout de sa course et sur les bords de la décadence, où les valeurs anciennes avaient perdu leur vertu, et où tous les thèmes politiques étaient enchevêtrés, au point que chaque événement prenait aussitôt une pluralité de significations simultanées et inséparables, quelque chose restait tout de même debout, intact. C’était cet esprit latin qui, de la mer du Nord aux rivages de la Sicile, unissait par un lien moral profond deux grands peuples d’origine commune et dont la langue, la religion, la sensibilité et les mœurs étaient semblables.

Le 10 juin 1940, jour où des Italiens ont osé commettre le crime d’essayer de lancer Rome contre Paris, doit être marqué d’une croix noire comme une date néfaste dans l’histoire de l’humanisme et de l’humanité.

N’est-ce pas un grand latin, D’Annunzio, qui chantait en 1914 : France, France, sans toi le monde serait seul ?

Mais comment faire partager des angoisses de cet ordre à de pauvres bougres tout imprégnés et endoloris de leur petite tragédie individuelle ?

Ici, ces gens simples ne pensent qu’à leur libération. Aussi s’agitent-ils autour des bruits contradictoires et inexacts que, pendant les premiers temps, privés comme nous l’étions de journaux, l’on colportait de tous côtés.

— Paris est tombé !… La fin de la guerre dans huit jours ! annonce quelqu’un.

— L’Angleterre, menacée d’invasion, est sur le point de capituler ! proclame un autre.