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LA VILLE SANS FEMMES

S. E. le Nonce apostolique, monseigneur Antoniutti, vint deux fois par années nous visiter, passant même quelques heures avec les prisonniers et leur apportant, outre le réconfort de la religion, des gâteries.

C’est alors que certains « tièdes » semblaient animés d’une renouveau de foi. Ces « exploiteurs », au fond, ne valent pas mieux que les autres, dont je parlais plus haut, qui pratiquent la religion comme l’usure. Ils sont bien disposés à faire un certain nombre de prières, et à la rigueur, même à faire une offrande, mais c’est à la condition d’obtenir, en revanche, une « grâce », un résultat pratique et matériel. « Sinon, disent-ils avec une naïveté déconcertante, à quoi bon prier ? »

Ils sont comme les anciens romains, pour qui la religion était une sorte de contrat juridique conclu entre les hommes et les dieux. Les hommes accomplissaient certains rites, prononçaient certains mots, et les dieux, en échange devaient accorder les biens qu’ils s’étaient engagés à livrer.

D’autres encore pratiquent la religion d’une manière purement extérieure, avec des gestes mécaniques, des marmottements distraits, qui les font ressembler à des moines tibétains. Certains jeunes gens semblent adorer beaucoup plus la trinité moderne du Calcul, de la Technique et de la Machine, que celle des Saintes Écritures. Je crois que c’est Anatole France qui a affirmé que l’humanité, ayant eu d’abord une religion fétichiste ensuite une religion polythéiste et, enfin, une religion monothéiste,