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NOTRE VILLE

suite, furent remplacées par de véritables matelas assez confortables.

Quand tout le monde est couché et que, dans la baraque, il n’y a plus d’autre lumière que le reflet venant des phares extérieurs, on a vaguement l’impression de se trouver dans un gigantesque train de nuit ou encore dans la cale d’un bateau d’émigrants. Trente lits doubles sont placés de part et d’autre, près des vingt-quatre fenêtres qui, durant presque deux ans, restèrent grillagées. Ensuite, on supprima les grillages qu’on trouva superflus.

Des tables en bois et des bancs s’étendent au milieu de la baraque. Là, presque toute la journée, se réunissent les joueurs de cartes. Mais chacun s’est arrangé pour créer, au-dessous de la fenêtre qui sépare son lit de celui du voisin, une sorte de « home ». C’est dans ces coins-là qu’on cause par groupes de deux, de trois, entre voisins, ou avec des « visiteurs » venus d’autres baraques.

Ces entretiens dégagent une atmosphère recueillie et tamisée d’intimité. On s’offre des cigarettes, quand on en a. Ou, autrement, on se résigne à s’en rouler soi-même, quand l’argent commence à manquer. Et chacun fait partager à ses camarades les gâteries apportées par les derniers paquets qui viennent d’arriver. Peu à peu, insensiblement, on égraine le rosaire des confidences et l’on s’abandonne à l’angoissant rappel des choses du passé.


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