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Page:Duliani - La ville sans femmes, 1945.djvu/41

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NOTRE VILLE

par occuper nos esprits pour une certaine période de temps. Après avoir passé par les inévitables vicissitudes que devait d’abord entraîner notre état, nous avons dû, en effet, une fois arrivés ici, nous adapter à une vie nouvelle et nous créer un nouveau mode d’existence matérielle. Par la force des choses, nous nous sommes familiarisés à l’usage de certains objets ; nous avons appris la manière d’ouvrir et de fermer chaque porte, nous nous sommes habitués à tourner à droite ou à gauche pour aller d’un endroit à l’autre. Tout cela, sans que nous nous en rendîmes bien compte, distrayait nos esprits par la vertu de toute nouveauté.

Quelques-uns, toutefois, s’analysaient et se rendaient compte du travail qui se faisait en eux. C’est ainsi qu’un soir, assis au pied d’un arbre, un jeune amoureux, marié depuis très peu de temps, me confiait :

— Vois-tu, au fond, notre sort est meilleur que celui de nos épouses. Nous avons du nouveau à regarder, à observer, à étudier, à nous assimiler. Elles continuent de subir ce qu’on pourrait appeler la vitesse acquise des vieilles habitudes. Après, si nous devons rester ici quelque temps, il y a quand même le fait que de nouvelles habitudes se seront aussi imposées en elles…

— Que veux-tu dire par là ?

— Mais oui, réplique le jeune homme avec fougue : Prends le cas de ma femme. Pour le présent, son existence se déroule dans un cadre, à l’intérieur comme à l’extérieur de notre maison, où tout lui évoque notre intimité et lui rappelle l’absent que je suis devenu. Elle ne peut pas s’ar-