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INFIRMIER

Mais une autre fois, la scène fut beaucoup plus drôle encore.

Le « malade » attendit que je remplisse le verre puis il en but le contenu à petites gorgées. Quand il l’eut vidé, il le déposa calmement sur la table et s’exclama :

— Huile de ricin, j’adore ça !

Ce fut au tour du lieutenant de faire la moue.

Enfin, nous avons un dentiste qui vient à différentes périodes obturer ou arracher les dents malades. C’est un praticien de l’armée, rarement le même deux fois de suite, qui arrive flanqué de deux aides porteurs de deux valises métalliques contenant de quoi meubler et outiller en quelques instants un cabinet dentaire ultramoderne. Certes, un interné, chirurgien-dentiste, pourrait soulager les malheureux qui geignent parce qu’ils souffrent des dents et sont obligés d’attendre la visite du spécialiste militaire, mais cela ne se fera qu’au bout d’un an.

Parmi les dentistes de l’armée qui sont venus au camp, il en est un qui a étonné tout le monde par l’aisance et la rapidité avec lesquelles il arrachait les dents par deux et par trois à la fois. Quelqu’un a dit qu’il effeuillait les gencives comme des marguerites.

Comme on le voit, l’hôpital de la ville ne manque pas d’animation le jour, depuis l’instant où j’ouvre les yeux jusqu’à celui où on cadenasse les portes. Rarement — grâce au Ciel ! — en revanche la paix y est-elle rompue la nuit par des cas d’urgence. Quand l’obscurité est complète, une seule lumière brille encore dans la petite ville, celle de ma chambre, où j’écris éperdument.