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ASCANIO.

où vous serez une belle fiancée à laquelle on donnera toutes sortes de bijoux ; puis une grande dame à laquelle il faudra toutes sortes de parures. Eh bien ! autant donner la préférence à celles de ce jeune homme qu’à celles de quelque autre artiste qui ne le vaudra sûrement pas.

Colombe était au supplice. Ascanio, que les prévisions de dame Perrine ne réjouissaient que médiocrement, s’en aperçut et vint au secours de la pauvre enfant, pour laquelle une conversation directe était mille fois moins embarrassante que ce monologue par interprète.

— Oh ! mademoiselle, dit-il, ne me refusez point cette grâce de vous apporter quelques-uns de mes ouvrages ; il me semble maintenant que c’est pour vous que je les ai faits, et qu’en les faisant je songeais à vous. — Oh ! où, croyez-le bien, car nous autres artistes en bijoux, nous mêlons parfois à l’or, à l’argent, aux pierres précieuses, nos propres pensées. Dans ces diadèmes qui couronnent vos têtes, dans ces bracelets qui étreignent vos bras, dans ces colliers qui caressent vos épaules, dans ces fleurs, dans ces oiseaux, dans ces anges, dans ces chimères, que nous faisons balbutier à vos oreilles, nous mettons parfois de respectueuses adorations.

Et il faut bien le dire, en notre qualité d’historien, à ces douces paroles le cœur de Colombe se dilatait, car Ascanio, si longtemps muet, parlait enfin et parlait comme elle rêvait qu’il devait parler, car, sans lever les yeux, la jeune fille sentait le rayon ardent de ses yeux fixé sur elle, et il n’y avait pas jusqu’à l’accent étranger de cette voix qui ne prêtât un charme singulier à ces paroles nouvelles et inconnues pour Colombe, un accent profond et irrésistible