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ASCANIO.

illustration a notre jeune noblesse ; elle apprendra qu’amis depuis quarante ans…

— Assez, mon cher, assez, de grâce ! interrompit le comte ; puis s’adressant à Colombe avec cette assurance familière et insolente qui contrastait si bien avec la timidité du pauvre Ascanio : — Allons, allons, remettez-vous, mon enfant, lui dit-il, et rappelez sur vos joues ces jolies’ couleurs qui vous vont si bien. Eh mon Dieu ! je sais ce que c’est qu’une jeune fille, allez, et même qu’une jeune femme, car j’ai déjà été marié deux fois, ma petite. Voyons, il ne faut pas vous troubler comme cela ; je ne vous fais pas peur, j’espère, hein ? ajouta fatuitement le comte en se redressant et en passant ses mains sur ses maigres moustaches et sur sa mesquine royale ; aussi votre père a eu tort de me donner si brusquement ce titre de mari qu’émeut toujours un peu un jeune cœur lorsqu’il l’entend pour la première fois ; mais vous vous y ferez, ma petite, et vous finirez par le prononcer vous-même avec cette jolie bouche que voilà. Eh bien ! eh bien ! vous pâlissez encore… Dieu me pardonne ! je crois qu’elle va s’évanouir.

Et d’Orbec étendit les bras pour soutenir Colombe, mais celle-ci se redressa en faisant un p « s en arrière, comme si elle eût craint son toucher à l’égal de celui d’un serpent, et retrouvant la force de prononcer (quelques mots :

— Pardon, monsieur, pardon, mon père, dit-elle en balbutiant ; pardon, ce n’est rien ; mais je croyais, j’espérais…

— Et qu’avez-vous cru, qu’avez-vous espéré ? Voyons, dites vite, répondit le prévôt en fixant sur sa fille ses petits yeux vifs et irrités.

— Que vous me permettriez de rester toujours auprès de vous, mon père, reprit Colombe. Depuis la mort de ma