Page:Dumas, Ascanio, 1860.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
178
ASCANIO.

sans se douter ni se soucier de la rancune de messire d’Estourville. Voici quel était l’emploi de ses journées : il se levait avec le jour, se rendait à une petite chambre solitaire qu’il avait découverte dans le jardin, au dessus de la fonderie, et dont une fenêtre donnait obliquement sur le parterre du Petit-Nesle. Là, il modelait une petite statue d’Hébé. Après le diner, c’est-à-dire à une heure après midi, il faisait un tour à l’atelier, où il exécutait son Jupiter ; le soir, pour se délasser, il faisait une partie de paume ou un tour de promenade. Voici maintenant quel était l’emploi de la journée de Catherine : elle tournait, cousait, vivait, chantait, se trouvait bien plus à l’aise au Grand-Nesle qu’à l’hôtel du cardinal de Ferrare. Pour Ascanio, à qui sa blessure ne permettait pas de se remettre à l’ouvrage, malgré l’activité de son esprit, il ne s’ennuyait pas, il rêvait.

Si maintenant, profitant du privilège usurpé par les voleurs de passer par-dessus les murs, nous entrons dans le Petit-Nesle, voici ce que nous y voyons. D’abord, dans sa chambre, Colombe rêveuse comme Ascanio ; qu’on nous permette pour le moment de nous en tenir là. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que les rêves d’Ascanio sont couleur de rose et ceux de la pauvre Colombe sombres comme la nuit. Et puis voici dame Perrine qui sort pour aller à la provision, et il nous faut, si vous voulez bien, la suivre un instant.

Depuis bien longtemps, ce nous semble, nous avons perdu de vue la bonne dame ; il faut dire aussi que la bravoure n’étant pas précisément sa vertu dominante, elle s’était, au milieu des périlleuses rencontres que nous avons narrées, volontairement effacée et tenue dans l’ombre ; mais la paix recommençant à fleurir, les roses de ses joues