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ASCANIO.

au pis, j’ai tenu tête plus d’une fois à messire le prévôt, da !

Sur le compte de son maître, dame Perrine était fort verbeuse, mais Ruperte la suivit seule dans ses confidences. Ascanio était debout et n’écoutait que les battemens de son cœur.

Pourtant il entendit ces mots que dame Perrine lui jetait en s’éloignant : — Voici l’allée où Colombe se promène tous les soirs, et elle va venir sans doute. Vous voyez que le soleil ne vous y atteindra pas, mon gentil malade.

Ascanio fit un signe de remercîment, s’avança de quelques pas, pour retomber dans ses rêveries et dans les molles pensées d’une attente pleine d’anxiété et d’impatience.

Cependant il entendit encore ces paroles que dame Perrine disait en passant à dame Ruperte.

— Voici le banc favori de Colombe.

Et laissant les deux commères continuer leur promenade et leur causerie, il s’assit doucement sans rien dire sur ce banc sacré.

Que voulait-il ? où tendait-il ? Il l’ignorait lui-même. Il cherchait Colombe parce qu’elle était jeune et belle, et qu’il était jeune et beau. De pensée ambitieuse, il n’en concevait pas. Se rapprocher d’elle, c’était la seule idée qu’il eût dans la tête ; le reste, à la grâce de Dieu ! ou plutôt il ne prévoyait pas de si loin. Il n’y a pas de demain en amour.

Colombe, de son côté, avait plus d’une fois songé malgré elle au jeune étranger qui lui était apparu dans sa solitude comme Gabriel à Marie. Le revoir avait été dès le premier jour le secret désir de cette enfant jusque-là sans désir. Mais, livrée par un père imprévoyant à la tutelle de sa propre sagesse, elle était trop généreuse pour ne pas exercer sur elle-même cette sévérité dont les âmes nobles