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ASCANIO.

sur le gentil malade : l’amour succédait à la colère, la tigresse redevenait gazelle.

— Maître André, dit-elle à son médecin qui accourait, voyez-le, sauvez-le, il est blessé et mourant.

— Ce n’est rien, dit maître André, un affaiblissement passager. Il versa sur les lèvres d’Ascanio quelques gouttes d’un cordial qu’il portait toujours avec lui.

— Il se ranime, s’écria la duchesse, il fait un mouvement. Maintenant, maître, il lui faut du calme, n’est-ce pas ? Transportez-le dans cette chambre, sur un lit de repos, dit-elle aux deux valets. Puis, baissant la voix de manière à n’être entendue que d’eux : Mais d’abord un mot, ajouta-t-elle ; si une parole vous échappe sur ce que vous venez de voir et d’entendre, votre cou paiera pour votre langue. Allez.

Les laquais tremblans s’inclinèrent, et soulevant doucement Ascanio l’emportèrent.

Restée seule avec le prévôt et le vicomte de Marmagne, spectateurs si prudens de son outrage, madame d’Étampes les toisa tous les deux, le dernier surtout, d’un coup d’œil de mépris, mais elle réprima aussitôt ce mouvement.

— Je disais donc, vicomte, reprit-elle avec amertume mais avec calme, je disais donc que la chose dont vous parliez était grave ; n’importe, je n’y réfléchissais pas. J’ai assez de pouvoir, je crois, pour me permettre de frapper un traître, comme j’en aurais assez au besoin pour atteindre des indiscrets. Le roi cette fois daignerait punir, je l’espère ; mais moi, je veux me venger. La punition dirait l’insulte ; la vengeance l’ensevelira. Vous avez eu, messieurs, le sangfroid d’ajourner cette vengeance pour ne pas la compromettre,’et je vous en loue ; ayez aussi le bon