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ASCANIO.

moindre froncement de sourcil témoignât de la jalouse colère du maître. Fallait-il donc dire adieu à tant de beaux rêves et n’être plus qu’une pauvre fille humiliée comme devant ?

Quant à Pagolo, si l’on a quelque curiosité de sonder les ténèbres de cette âme, nous dirons que jamais Pagolo n’avait été plus sombre et plus taciturne que depuis quelque temps.

On pensera du moins que le joyeux écolier Jacques Aubry, notre vieille connaissance, avait échappé à cette contagion de chagrin ? Pas du tout : il avait aussi sa part de douleur. Simonne, après l’avoir attendu longtemps le dimanche du siège de Nesle, était rentrée furieuse au domicile conjugal et n’avait plus voulu, sous aucun prétexte, recevoir l’impertinent basochien. Celui-ci, pour se venger, avait retiré, il est vrai, sa pratique au mari de la capricieuse ; mais cet affreux tailleur n’avait manifesté à cette nouvelle d’autre sentiment qu’une vive satisfaction ; car si Jacques Aubry usait vite et avec prodigalité ses habits (moins les poches), il faut ajouter qu’il avait pour principe économique de ne les payer jamais. Or, quand l’influence de Simonne ne fut plus là pour contrebalancer l’absence d’argent, l’égoïste tailleur trouva que l’honneur d’habiller Jacques Aubry ne correspondait pas à la perte qu’il faisait en l’habillant pour rien.

Ainsi notre pauvre ami se trouva en même temps accablé de son veuvage et attaqué dans ses vêtemens. Par bonheur, nous avons pu voir qu’il n’était pas garçon à se laisser moisir dans sa mélancolie. Il eut bientôt rencontré une charmante petite consolation appelée Gervaise. Mais Gervaise était hérissée de toutes sortes de principes qu’il trou-