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ASCANIO.

Le gouverneur leva les yeux sur le prisonnier qui lui parlait avec un si miraculeux aplomb, et reconnut Benvenuto Cellini, que trois mois auparavant il avait déjà eu l’honneur de faire asseoir à sa table.

Malgré cette connaissance, et peut-être à cause de cette connaissance, l’allocution de Benvenuto plongea le digne gouverneur dans la plus profonde stupéfaction : c’était un florentin nommé messire Georgio, chevalier des Ugolini, excellent homme, mais de tête un peu faible. Cependant il revint bientôt de son premier étonnement, et fit conduire Benvenuto dans la chambre la plus élevée du château. Le toit de cette chambre était la plate-forme même ; une sentinelle se promenait sur cette plate-forme, une autre sentinelle veillait au bas de cette muraille.

Le gouverneur fit remarquer au prisonnier tous ces détails, puis lorsqu’il eut cru que le prisonnier les avait appréciés :

— Mon cher Benvenuto, dit-il, on peut ouvrir les serrures, on peut forcer les portes, on peut creuser le sol d’un cachot souterrain, on peut percer un mur, on peut gagner les sentinelles, on peut endormir les geôliers, mais, à moins d’avoir des ailes, on ne peut descendre de cette hauteur dans la plaine.

— J’y descendrai pourtant, dit Benvenuto Cellini. Le gouverneur le regarda en face, et commençait à croire que son prisonnier était fou.

— Mais vous vous envolerez donc alors ?

— Pourquoi pas ? j’ai toujours eu l’idée que l’homme pouvait voler, moi ; seulement le temps m’a manqué pour en faire l’expérience. Ici j’en aurai le temps, et pardieu !