menaçans que ne peuvent même dérober aux regards de l’observateur les dissimulations courtisanesques.
Les deux ennemies, Diane et Anne, étaient assises aux deux bouts opposés de la salle, et pourtant, malgré la distance, chaque raillerie ne mettait pas cinq secondes à passer de la bouche de l’une aux oreilles de l’autre, et la riposte, ramenée par les mêmes courriers, revenait aussi vite par le même chemin.
Au milieu de tous ces mots spirituels et parmi tous ces seigneurs habillés de velours et de soie, se promenait encore, indifférent et grave dans sa longue robe de docteur, Henri Estienne, attaché de cœur au parti de la Réforme, tandis qu’à deux pas de lui et non moins oublieux de tout ce qui l’entourait, se tenait debout Pierre Strozzi, pâle et mélancolique, réfugié de Florence, qui, appuyé contre une colonne, regardait sans doute dans son cœur la patrie absente, où il ne devait rentrer que prisonnier, et où il ne devait plus avoir de repos que dans la tombe. Il va sans dire que le noble réfugié italien, parent par les femmes de Catherine de Médicis, tient profondément au parti catholique.
Puis passent, en parlant de graves affaires d’état et en s’arrêtant souvent en face l’un de l’autre, comme pour donner plus de poids à leur conversation, le vieux Montmorency, à qui le roi vient de donner il n’y a pas deux ans encore la charge de connétable, vacante depuis la disgrâce de Bourbon, et le chancelier Poyet, tout fier de l’impôt de la loterie, qu’il vient d’établir, et de l’ordonnance de Villers-Coterets, qu’il vient de contresigner [1].
- ↑ Ce fut effectivement à Villers-Coterets, petite ville du département de l’Aisne, où François Ier avait un château, que fut