Page:Dumas.- Grand dictionnaire de cuisine, 1873.djvu/31

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les plus fortes secousses. Il nouait une corde de la grosseur du doigt autour de sa tête et la faisait éclater en enflant les muscles de son front. Il prenait une grenade dans sa main, et, sans la serrer assez fort pour la briser, il défiait ses rivaux de lui faire bouger un seul doigt. — Un jour qu’il assistait aux leçons de Pythagore, son compatriote, les colonnes de la salle menaçant tout à coup de se rompre, il avait soutenu la voûte de ses deux mains, donnant aux auditeurs le temps de s’éloigner. — Un autre jour, aux jeux Olympiques, et c’est par là qu’il rentre dans notre domaine, il chargea sur ses épaules un jeune taureau, le porta pendant l’espace de cent vingt pas, l’assomma d’un coup de poing, le fit rôtir, et le mangea tout entier le même jour. — En général, il absorbait à son dîner dix-huit livres de viande, vingt livres de pain, quinze litres de vin.

Un de ses amis avait fait couler en bronze sa statue. Comme on était embarrassé de la conduire au lieu où elle devait être placée, il la prit sur ses épaules et la déposa sur son piédestal.

On sait comment il mourut.

Vieux, il se promenait dans une forêt ; il trouva un tronc d’arbre qu’un bûcheron avait essayé de fendre. Il introduisit ses deux mains dans l’ouverture et tira en sens opposés ; mais le tronc fit ressort, se referma ; et Milon eut les mains prises sans pouvoir les retirer.

Il fut, dans cette position, déchiré par les loups.

À Milon finissent les temps fabuleux et commencent les temps héroïques.

Ce qui nous empêche de croire que l’histoire de Milon fut une fable, c’est la belle statue de Puget, qui orne le musée du Louvre et qui représente cette mort. Aux loups dévorants, le statuaire a substitué un lion, autorisé à cette substitution par une variante de la légende.

L’homme doit manger assis.

Il a fallu tout le luxe et toute la corruption de l’antiquité pour amener les Grecs, puis les Romains, à manger couchés.