Aller au contenu

Page:Dumas.- Grand dictionnaire de cuisine, 1873.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

« Oh ! mes amis, dit l’empereur, l’excellente chose que les petits pâtés ! Nous en mangerons à dîner, n’est-ce pas ? »

Dieu fit la grâce à ce digne empereur de mourir comme il avait vécu, en glouton, d’une indigestion de champignons. Il est vrai que, pour lui faciliter le vomissement, on lui frotta le gosier avec les barbes d’une plume empoisonnée.

Il y eut à Rome, on le sait, trois Apicius :

L’un, qui vivait sous la République, du temps de Sylla ;

Le second, sous Auguste et Tibère ;

Le troisième, sous Trajan.

C’est du second, c’est-à-dire de Marcus-Gabius, que parlent Sénèque, Pline, Juvénal et Martial.

C’était à lui que Tibère envoyait de Caprée les turbots qu’il n’était pas assez riche pour acheter.

Il passa presque dieu pour avoir trouvé le moyen de conserver les huîtres fraîches.

Riche à deux cents millions de sesterces, cinquante millions de francs, il en dépensa plus de quarante pour sa table seule.

Un beau jour, la fatale idée lui vint de faire ses comptes.

Il appela son intendant. Il n’avait plus que dix millions de sesterces, deux millions et demi de notre monnaie. Il se trouva tellement ruiné avec deux millions et demi, qu’il ne voulut pas vivre un jour de plus. Il se mit dans un bain et se fit ouvrir les veines.

Il reste de lui un souvenir, si ce n’est un fait.

Ce souvenir est un traité de cuisine intitulé De re culinaria ; mais la paternité de ce livre lui est contestée. Il serait, disent des savants, d’un nommé Cœlius, qui, par admiration, se serait fait nommer Apicius.

J’habitais, à Naples, le petit palais Chiatamone. J’étais juste sur l’emplacement du palais de Lucullus, à qui appartenait toute cette plage occupée aujourd’hui par le château de l’Œuf.

À la marée basse je voyais encore sur les rochers la trace des conduits qui amenaient l’eau au vivier de Lucullus.

C’est là qu’il se reposa de ses fameuses campagnes contre Mithridate et contre Tigrane, qui firent de lui le plus riche des Romains.