Page:Dumas.- Grand dictionnaire de cuisine, 1873.djvu/523

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gers ayant parfois à faire cuire en un seul jour des milliers d’épanadas.

On laisse le pâté au four le temps suffisant pour cuire la viande qu’il renferme, on paye la cuisson ; puis chacun part avec son épanada pour le champ de la fête.

Arrivée sur le terrain, chaque famille se réunit au porteur de l’épanada, qui est presque toujours la servante, et qui s’est munie des couverts et ustensiles nécessaires pour le repas ; elle porte en même temps les fruits, le vin, toujours dans une peau de bouc ; enfin tout ce qu’on ne veut pas acheter aux marchands qui s’établissent sur le champ de la fête pour tout le temps qu’elle dure.

C’est le jour de saint Jeidre que cette fête se passe à Madrid.

A un quart de lieue de la ville, et sur une petite côte, s’élève la chapelle de Saint-Jeidre ; toute la rampe qui conduit à cette chapelle est couverte de frituriers et de marchands de vin, destinés à remplacer les lacunes de ceux qui n’ont pas pu faire préparer l’éparfada de circonstance.

La colline est une ruche couverte d’abeilles ; trente ou quarante mille personnes se pressent à la porte de la chapelle pour voir le saint, se bousculant, se poussant et s’engouffrant dans la chapelle, arrivent à voir le saint, font une prière, et se poussent dehors comme ils se sont poussés dedans.

De la porte de la chapelle, on domine la plaine, où deux cent mille personnes assises, faisant leur merienda, c’est-à-dire leur goûter, présentent le spectacle le plus curieux qui se puisse voir, celui qui sans doute a donné à Cervantès l’idée de ses noces de Gamache.

Cette fête semble le reste du carnaval romain qui mettait les serviteurs et les esclaves au niveau des maîtres ; les serviteurs espagnols oublient ce jour-là leur domesticité, et peuvent se croire autant que ceux avec lesquels ils sont assis, puisqu’ils mangent la même nourriture et boivent le même vin à la même table.

A mesure que le temps s’écoule, que les outres se vident, on voit les groupes s’amuser, l’agitation devient de la confusion, la confusion du tumulte, et il est bien rare que ces fêtes se passent