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oille.

OILLE (olla podrida). — Potage ou ragoût d’origine espagnole. On distingue trois sortes d’oilles, ou plutôt trois variétés dans la préparation de ce grand mets.

1o L’ancien potage à la française, qui se trouve appelé grand ouille, par les cuisiniers du temps de Louis XIII, et qui est l’oille au pot des lettres de Mme de Maintenon.

2o La véritable olla podrida, suivant sa formule étrangère. C’est un mets tellement compliqué, que les cuisiniers français ne mettent aucun empressement à le proposer sur leurs menus, et c’est un plat assez dispendieux pour qu’on ne le serve jamais indifféremment ni fréquemment. Il est à savoir que, chez les ambassadeurs d’Espagne, ce ragoût fait partie de la représentation diplomatique et du cérémonial officiel. Il paraît que c’est un protocole obligé pour le dîner d’un grand d’Espagne ou d’un titulado de Castille.

3o L’oille moderne à la française. Excellent plat de relevé, mais dont la somptuosité n’a rien d’effrayant ni d’inaccessible.

Oille en potage à l’ancienne mode. — Ayez une poularde et deux beaux pigeons, parez-les, videz-les et remplissez-les d’une farce composée de mie de pain trempée dans du bouillon réduit où vous aurez délayé huit jaunes d’œufs, et puis d’un oignon blanc cuit sous la cendre et de trois fonds d’artichauts hachés ; assaisonnez cette farce de quelques feuilles de cerfeuil et d’une pincée de muscade en poudre ; cousez le ventre des volailles afin qu’elles ne se vident pas de la farce dont elles sont remplies, ficelez les membres et placez-les dans une marmite de terre au fond de laquelle vous aurez mis sept ou huit livres de grand bœuf. Coupez par tranches un peu minces un jarret de veau de Pontoise en quatre morceaux, trois oignons, un panais, deux carottes et autant de navets, deux poireaux blancs ficelés avec des tiges de pourpier, d’arroche et de belle poirée ; faites d’abord chauffer le dessous sur un grand feu de charbon, puis mettez la marmite devant un feu plus modéré et laissez-la se consommer doucement. Au bout de cinq heures de cuisson, vous coupez des croûtes du dessus d’un pain très-tendre ; vous les arrangez dans un pot à oille ou autre plat d’argent, vous les mouillez dudit