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Page:Dumas.- Grand dictionnaire de cuisine, 1873.djvu/876

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Potage

On appelle pot-au-feu le bouillon que l’on tire du bœuf cuit à l’eau et qui en a extrait les parties solubles. Voici ce que dit Brillat-Savarin :

« Pour avoir de bon bouillon, il faut que l’eau s’échauffe lentement, afin que l’albumine ne se coagule pas dans l’intérieur avant d’être extraite ; il faut que l’ébullition s’aperçoive à peine, afin que les diverses parties qui sont successivement dissoutes puissent s’unir intimement et sans trouble ; on joint au bouillon des légumes et des racines pour en relever le goût, ou du pain ou des pâtes pour le rendre plus nourrissant.

« Le bouillon est une nourriture saine, légère, succulente et qui convient à tout le monde. Il réjouit l’estomac, il le dispose à recevoir et à digérer. Les personnes menacées d’obésité doivent laisser le pain et les pâtes de côté et ne prendre que le bouillon.

« On convient généralement qu’on ne mange nulle part d’aussi bon bouillon qu’en France. J’ai trouvé dans mes voyages la confirmation de cette vérité. Ce résultat ne doit point étonner, car le bouillon est la base de la diète nationale française, et l’expérience des siècles a dû le porter à sa perfection.

« Le bouilli est une nourriture saine, qui apaise promptement la faim, se digère assez bien, mais qui seule ne restaure pas beaucoup, parce que la viande a perdu dans l’ébullition une partie des sucs animalisables.

« On tient comme la règle générale, en administration, que le bœuf bouilli a perdu la moitié de son poids.

« Nous comprenons sous quatre catégories les personnes qui mangent le bouilli :

« Les routiniers, qui en mangent parce que leurs parents en mangeaient, et qui, suivant cette pratique avec une soumission implicite, espèrent bien aussi être imités par leurs enfants.

« Les impatients, qui, abhorrant l’inactivité à table, ont contracté l’habitude de se jeter immédiatement sur la première matière qui se présente.

« Les inattentifs, qui, n’ayant pas reçu du ciel le feu sacré, regardent les repas comme les heures d’un travail obligé et mettent sur le même niveau tout ce qui peut les nourrir et sont à table comme l’huître sur son banc.