Comment, Stockholm encore !
C’est pour Sentinelli ; ces armes, ce cachet,
Sont ceux de La Gardie. Eh ! mais on me cachait
Qu’avec cet ennemi qu’exila ma vengeance
Sentinelli jamais eût quelque intelligence.
Que peuvent-ils s’écrire ? eh bien ! on le saura.
Ce courrier sous mes yeux seulement s’ouvrira ;
Moi-même je le veux remettre à son adresse.
On vient. C’est vous ; lisez, ceci vous intéresse,
Marquis, car je connais votre amitié pour nous.
Cet espoir qu’il vous donne à mon cœur est bien doux.
Et pourtant qui me dit qu’une fois sur le trône,
Au milieu des honneurs dont l’orgueil l’environne,
Vous daignerez encor…
Reposez-vous.
Madame, il n’est rien là pour moi ?
Non, rien : voyez plutôt.
Lisez et répondez. Dites-lui que j’espère
Qu’il accomplit en paix sa sainte mission,
Et demandez pour moi sa bénédiction.
Oui, madame.
À nous rendre à Paris : nous lui ferons visite.
Mais notre départ presse, et nous empêchera
D’assister au ballet où le roi dansera.
Berlin : c’est le Leibnitz, encor quelque problème ;
Nous y réfléchirons et répondrons nous-même.
Londres : John Milton. Ah ! c’est ce savant docteur,
Secrétaire-greffier de milord Protecteur.
De mes nouveaux projets déguisant le mystère,
Je voudrais maintenant visiter l’Angleterre.
Me le permettra-ton ? Il faudrait à Cromwell
Envoyer un présent, mais je ne sais lequel.
Écrivons-lui toujours, je crains sa politique :
C’est trop d’être à la fois et reine et catholique.
Je l’entends m’opposer ou mon culte ou mon rang ;
Mais j’ai besoin de lui, son pouvoir est si grand !
Populaire tyran d’un peuple qu’il dit libre,
Il maintient par son poids l’Europe en équilibre,
Et jette aux souverains, immobiles d’effroi,
Comme un défi de mort, une tête de roi.
Il sait faire, de Charle essayant la couronne,
Du trône un échafaud, de l’échafaud un trône ;
Et, pour qu’un même objet puisse servir toujours,
Il change seulement la couleur du velours.
Madame, j’ai fini. Je ne sais si le style
Vous conviendra ; jugez.
J’ai dans mon cabinet laissé mon sceau royal.
Vous l’aurez à l’instant.
Merci, notre féal !
Scène VI.
Mon sceau royal ! au monde autrefois son empreinte
Inspirait le respect et commandait la crainte.
Je devrais maintenant, pour armes, sur le sceau,
Faire empreindre une aiguille en regard d’un fuseau.
Sur le chemin des rois l’oubli couvre ma trace ;
Mon nom, comme un vain bruit, s’affaiblit dans l’espace :
Ce n’est plus qu’un écho par l’écho répété,
Et j’assiste vivante à la postérité.
Je crus que plus longtemps (mon erreur fut profonde)
Mon abdication bruirait dans le monde.
Pour le remplir encore un but m’est indiqué,
Je veux reconquérir cet empire abdiqué.
Comme je la donnai je reprends ma couronne,
Et l’on dira que j’eus le caprice du trône.
Eh quoi ! ce faible poids a fatigué mon front,
Et d’une autre parure il a subi l’affront !
Il m’allait pourtant bien ce brillant diadème !
Je me souviens du jour où le pouvoir suprême
Des mains de la régence entre mes mains passa,
Où devant mon pouvoir tout pouvoir s’effaça ;
Et bientôt je verrai, dans sa treizième année,
Décembre ramener cette grande journée.
Peuple, sénat, armée, inclinés devant moi,
Jurent de reconnaître et de suivre ma loi.
Sur un trône d’argent j’accueille leur hommage ;
À respecter leurs droits à mon tour je m’engage :
Un cri d’amour répond à ce vœu solennel…
Grand Dieu ! Monaldeschi ! —
De ma part à Cromwell.