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Page:Dumas - Œuvres - 1838, vol.2.djvu/64

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nom de Henri de Valois et les trois fleurs de lis de France ne figurent pas aussi dignement au bas de cet acte que le nom de Henri de Guise et les trois merlettes de Lorraine ? Par la mort-Dieu ! vous vouliez un homme qui possédât l’amour des Français… Est-ce que nous ne sommes pas aimé, monsieur le duc ? Répondez d’après votre cœur. Vous vouliez un homme d’une haute noblesse ; je me crois aussi bon gentilhomme que qui que ce soit ici. Signez donc, monsieur le duc, signez ; car vous avez dit vous-même que quiconque ne le ferait pas serait rebelle.

LE DUC DE GUISE, à Catherine, à part.

Oh ! Catherine, Catherine !

HENRI, indiquant la place où il doit signer.

Là, monsieur le duc, au-dessous de moi.

JOYEUSE.

Vive Dieu ! je ne m’attendais pas à celle-là. — (Tendant la main pour prendre la plume.) Après vous, monsieur de Guise.

HENRI.

Oui, messieurs, signez, signez tous. D’Épernon, tu veilleras à ce que des copies de cet acte soient envoyées dans toutes les provinces de notre royaume.

D’ÉPERNON.

Oui, sire.

SAINT-PAUL, à demi voix.

Nous n’avons pas été heureux, monsieur le duc, dans notre première entreprise.

LE DUC DE GUISE, de même.

La fortune nous doit un dédommagement ; la seconde réussira. Mayenne est arrivé. Vous prendrez ses ordres.

HENRI.

Messieurs, nous vous demandons bien pardon de cette longue séance ; cela n’a pas été tout à fait aussi amusant qu’un bal masqué ; mais prenez-vous-en à notre beau cousin de Guise : c’est lui qui nous y a forcé. Adieu, monsieur le duc, adieu. Veillez toujours sur les besoins de l’État, en bon et fidèle sujet, comme vous venez de le faire, et n’oubliez pas que quiconque n’obéira pas au chef que j’ai nommé, sera déclaré traître de haute trahison. Sur ce, je vous abandonne à la garde de Dieu, messieurs… Êtes-vous contente de moi, ma mère ?

CATHERINE.

Oui, mon fils ; mais n’oubliez pas que c’est moi…

HENRI.

Non, non, ma mère ; d’ailleurs vous vous chargeriez de m’en faire souvenir… n’est-ce pas ? Reste, Saint-Mégrin.

(Tous sortent.)



Scène VII.


HENRI, SAINT-MÉGRIN.
HENRI.

Eh bien ! Saint-Mégrin, j’ai profité, je l’espère, de tes conseils ; j’ai détrôné mon cousin de Guise, et me voilà roi des ligueurs, à sa place.

SAINT-MÉGRIN.

Puissiez-vous ne pas vous en repentir, sire ! mais cette idée n’est pas de vous. J’y ai reconnu…

HENRI.

Eh bien ! quoi ?… parle…

SAINT-MÉGRIN.

La politique cauteleuse de votre mère… Elle croit avoir tout gagné lorsqu’elle a gagné du temps. Je me doutais qu’elle machinait quelque chose contre le duc de Guise… Je l’avais entendue, en lui parlant, l’appeler son ami. Quant à vous, sire, c’est à regret que je vous ai vu signer cet acte. Vous étiez roi, vous n’êtes plus qu’un chef de parti.

HENRI.

Et que fallait-il donc faire ?

SAINT-MÉGRIN.

Repousser la politique florentine, et agir franchement.

HENRI.

De quelle manière ?

SAINT-MÉGRIN.

En roi. Vive Dieu ! les preuves de la rébellion de M. de Guise ne vous auraient pas manqué.

HENRI.

Je les avais.

SAINT-MÉGRIN.

Il fallait donc vous en servir et le faire juger.

HENRI.

Les parlements sont pour lui.

SAINT-MÉGRIN.

Il fallait imposer aux parlements la puissance de votre volonté. La Bastille a de bonnes murailles, de larges fossés, un gouverneur fidèle ; et M. de Guise, en s’y rendant, n’aurait eu qu’à suivre les traces des maréchaux de Montmorency et de Cossé.

HENRI.

Mon ami, il n’y a pas de murailles assez solides pour enfermer un tel prisonnier… Je ne connais qu’un cercueil de plomb et un tombeau de marbre qui puissent m’en répondre… Mets-le seulement en état d’y entrer, Saint-Mégrin, et je me charge de faire fondre l’un et de faire élever l’autre…

SAINT-MÉGRIN.

Et, cela étant, sire, il sera puni, il est vrai ; mais non pas comme il l’aura mérité…