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KEAN.

Merci, monsieur le comte.

LE COMTE.

Adieu, monsieur Kean.

(Kean le reconduit jusqu’à la porte.)



Scène VII.

 

KEAN seul, puis LE CONSTABLE.
KEAN.

Elle est sauvée ! bon et excellent Georges, par quel miracle a-t-il appris ?… Maintenant il faut qu’elle sorte et sans perdre un instant, afin d’être arrivée avant son mari. Allons… (Le constable entre.) Qui vient encore ? Salomon laissera-t-il donc entrer toute la terre !

LE CONSTABLE.

Je vous demande mille pardons pour lui, monsieur Kean, mais c’est moi qui lui ai forcé la main.

KEAN.

C’est vous, monsieur le constable !

LE CONSTABLE.

Oui, et désolé de la circonstance qui m’amène : j’aime tant les artistes ! mais vous comprenez, monsieur Kean… le devoir avant tout, et au nom du roi et des deux Chambres, (le touchant de sa baguette) je vous arrête.

KEAN.

Et de quoi m’accuse-t-on ?

LE CONSTABLE.

D’injures graves prononcées dans un endroit public contre le prince royal et contre un membre de la chambre.

KEAN.

Et que me reste-t-il à faire ?

LE CONSTABLE.

À suivre mes gens qui sont dans l’antichambre.

KEAN.

Et je dois ainsi abandonner mon hôtel ?

LE CONSTABLE.

J’y reste pour faire mettre les scellés : à votre retour vous y trouverez tout ce que vous y avez laissé.

KEAN.

Pardon, monsieur le constable, mais il y a peut-être dans mon hôtel des choses qui ne pourraient en conscience rester sous le scellé tout le temps que durera mon absence. Vous êtes esclave de la loi, monsieur le constable, mais vous n’êtes pas plus sévère qu’elle ?

LE CONSTABLE.

Non, monsieur Kean, et si je puis faire quelque chose pour un artiste que j’admire…

KEAN.

Vous avez reçu l’ordre de m’arrêter, mais non pas d’arrêter les personnes qui se trouveraient chez moi, n’est-ce pas ?

LE CONSTABLE.

L’ordre est nominal et pour vous seul.

KEAN.

Eh bien ! il y a dans ce cabinet (il montre la chambre ou est cachée Anna) une jeune dame que vous connaissez et qui désirerait sortir…

LE CONSTABLE.

Avant que les scellés ne fussent mis ? je comprends.

KEAN.

Et sans être soumise à l’inspection de vos gens.

LE CONSTABLE.

Et je connais cette jeune dame ?

KEAN.

À moins que vous n’ayez déjà oublié le nom de miss Anna Damby.

LE CONSTABLE.

Miss Anna Damby ?

KEAN.

Elle part pour New-York dans une heure sur le paquebot le Washington.

LE CONSTABLE.

Je le sais bien, c’est moi qui l’ai conduite chez le correspondant, et qui ai retenu sa place.

KEAN.

Vous devez comprendre alors qu’elle a quelque recommandation particulière à me faire avant son départ.

LE CONSTABLE.

Vous me promettez de ne point chercher à vous échapper, monsieur Kean ?

KEAN.

Je vous en donne ma parole d’honneur. (Il ouvre la porte.) Anna !


Scène VIII.

 

KEAN, ANNA, LE CONSTABLE.
ANNA.

Oh ! qu’ai-je entendu, mon Dieu ! l’on veut vous arrêter ? Oh ! je ne pars plus, Kean, je reste. Vous prisonnier !

KEAN.

Anna, voici monsieur le constable qui permet qu’avant de vous quitter je vous dise un dernier adieu. Monsieur le constable, madame sortira tout à l’heure, enveloppée de ce mantelet et de ce voile ; je vous rappelle votre promesse.