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LE DUC DE GUISE, ébranlant la porte.

Ouvrez, madame, ouvrez,

LA DUCHESSE DE GUISE.

Fuyez donc, mon Dieu ! En fuyant vous sauvez ma vie ; si vous restez, je jure de mourir avec vous, et je mourrai déshonorée… Fuyez, fuyez.

SAINT-MÉGRIN.

Tu m’aimeras toujours ?

LA DUCHESSE DE GUISE.

Oui, oui.

LE DUC DE GUISE, du dehors.

Des leviers, des haches… que j’enfonce cette porte.

LA DUCHESSE DE GUISE.

Pars donc !

SAINT-MÉGRIN.

Adieu.

LA DUCHESSE DE GUISE.

Oui… oui… adieu… !

SAINT-MÉGRIN.

Adieu ! …

(Il met son épée entre ses dents et descend par la fenêtre.)
LA DUCHESSE DE GUISE.

Mon Dieu ! mon Dieu ! je te remercie ; il est sauvé. — (Un moment de silence, puis tout à coup des cris, un cliquetis d’armes.) Ah ! — (Elle quitte la porte, court à la fenêtre.) Arthur ! Saint-Mégrin !

(Elle pousse un second cri, et revient tomber au milieu de la scène.)



Scène III.


LA DUCHESSE DE GUISE, presque évanouie, LE DUC DE GUISE,
entrant suivi de SAINT-PAUL et de plusieurs hommes.
LE DUC DE GUISE, après un coup d’œil rapide.

Il sera descendu par cette fenêtre. Mais Mayenne était dans la rue avec vingt hommes, et le bruit des armes… Va, Saint-Paul ; vous, suivez-le. Va, et tu me diras si tout est fini. — (Heurtant du pied la duchesse.) Ah ! c’est vous, madame. Eh bien ! je vous ai ménagé un tête-à-tête.

LA DUCHESSE DE GUISE.

Monsieur le duc, vous l’avez fait assassiner !

LE DUC DE GUISE.

Laissez-moi, madame, laissez-moi.

LA DUCHESSE DE GUISE, à genoux, le prenant à bras le corps.

Non ! je m’attache a vous.

LE DUC DE GUISE.

Laissez-moi, vous dis-je… ou bien ! oui, oui. Venez ! À la lueur des torches, vous pourrez le revoir encore une fois. — (Il la traîne jusqu’à la fenêtre.) Eh bien ! Saint-Paul.

SAINT-PAUL.

Attendez ; il n’est pas tombé seul. Ah ! ah !

LE DUC DE GUISE.

Est-ce lui ?

SAINT-PAUL.

Non, c’est le petit page.

LA DUCHESSE DE GUISE.

Arthur ! Ah ! pauvre enfant !

LE DUC DE GUISE.

L’auraient-ils laissé fuir… Les misérables !

LA DUCHESSE DE GUISE, avec espoir.

Oh !…

SAINT-PAUL.

Le voici.

LE DUC DE GUISE.

Mort ?

SAINT-PAUL.

Non, couvert de blessures, mais respirant encore.

LA DUCHESSE DE GUISE.

Il respire ! On peut le sauver. Monsieur le duc, au nom du ciel…

SAINT-PAUL.

Il faut qu’il ait quelque talisman contre le fer et contre le feu…

LE DUC DE GUISE.

Eh bien ! il n’en a peut-être pas contre la corde ; serre-lui la gorge avec ce mouchoir ; la mort lui sera plus douce ; il est aux armes de la duchesse de Guise.

LA DUCHESSE DE GUISE.

Ah !

(Elle tombe.)
LE DUC DE GUISE, après avoir regardé un instant dans la rue.

Bien ! et maintenant que nous avons fini avec le valet, occupons-nous du maître.