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XIII

LE ROI EST SI BON, LA REINE EST SI BONNE


Maintenant, que nos lecteurs nous permettent de les mettre au courant des principaux événements politiques qui s’étaient passés depuis l’époque où, dans notre dernière publication[1], nous avons abandonné la cour de France.

Ceux qui connaissent l’histoire de cette époque, ou ceux que l’histoire pure et simple effraiera, peuvent passer ce chapitre, le suivant s’emboîtant juste avec celui qui précède, et celui que nous hasardons ici n’étant qu’à l’usage des esprits exigeants qui veulent se rendre compte de tout.

Depuis un an ou deux, quelque chose d’inouï, d’inconnu, quelque chose venant du passé et allant vers l’avenir, grondait dans l’air.

C’était la révolution.

Voltaire s’était soulevé un instant dans son agonie, et, accoudé sur son lit de mort, il avait vu luire, jusque dans la nuit où il s’endormait, cette fulgurante aurore.

C’est que la révolution, comme le Christ, dont elle était la pensée, devait juger les vivants et les morts.

« Lorsqu’Anne d’Autriche arriva à la régence, dit le cardinal de Retz, il n’y eut qu’un mot dans toutes les bouches : La reine est si bonne ! » Un jour, le médecin de madame de Pompadour, Quesnoy, qui logeait chez elle, voit entrer Louis XV : un sentiment en dehors du respect le trouble à ce point qu’il tremble et pâlit.

— Qu’avez-vous ? lui demande madame du Hausset. — J’ai, répond Quesnoy, qu’à chaque fois que je vois le roi, je me dis : voilà cependant un homme qui peut me faire couper la tête ! — Oh ! il n’y a pas de danger, répond madame du Hausset : Le roi est si bon !

C’est avec ces deux phrases : Le roi est si bon ! la reine est si bonne ! qu’on a fait la révolution française.

Quand Louis XV mourut, la France respira. On était débarrassé, en même temps que du roi, des Pompadour, des Dubarry, du Parc-aux-Cerfs.

  1. Voir le Collier de la Reine.