Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/397

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Le château, lui, avait déjà bien assez de peine à se défendre lui-même.

Ce régiment de Flandre arrivait, disons-nous, et pour qu’il prît sur-le-champ l’autorité dont on cherchait à le revêtir, il fallait qu’un accueil particulier lui attirât l’attention du peuple.

L’amiral d’Estaing réunit les officiers de la garde nationale, tous ceux des corps présents à Versailles, et se rendit au-devant de lui.

Celui-ci fait une entrée solennelle dans Versailles avec ses canons, ses parcs et ses convois.

Autour de ce point devenu central, viennent se grouper une foule de jeunes gentilshommes n’appartenant à aucune arme spéciale.

Ils se choisissent entre eux un uniforme pour se reconnaître, se joignent à tous les officiers hors des cadres, à tous les chevaliers de Saint-Louis que le danger ou la prévoyance amènent à Versailles ; de là, ils se répandent dans Paris, qui voit alors avec une stupeur profonde ces nouveaux ennemis frais, insolents, et gonflés d’un secret qui va leur échapper à l’occasion.

Dès ce moment, le roi pouvait partir. Il eût été soutenu, protégé dans son voyage, et peut-être Paris, encore ignorant et mal préparé, l’eût-il laissé partir.

Mais ce mauvais génie de l’Autrichienne veillait toujours.

Liége se révolta contre l’empereur, et l’occupation que donna cette révolte en Autriche empêcha qu’on songeât à la reine de France. Celle-ci d’ailleurs crut devoir s’abstenir par délicatesse en un pareil moment.

Alors les choses, à qui l’impulsion était donnée, continuèrent de courir avec une foudroyante rapidité.

Après l’ovation faite au régiment de Flandre, les gardes du corps décidèrent qu’un dîner serait offert aux officiers de ce régiment.

Ce repas, cette fête fut fixée au 1er octobre. Tout ce qu’il y avait d’important dans la ville y fut invité.

De quoi s’agissait-il ? de fraterniser avec les soldats de Flandre ? Pourquoi des soldats n’eussent-ils point fraternisé entre eux, puisque les districts et les provinces fraternisaient ?

Était-il défendu par la constitution que des gentilshommes fraternisassent ?

Le roi était encore le maître de ses régiments, et les commandait seul. Il avait seul la propriété de son château de Versailles. Il avait seul le droit d’y recevoir qui bon lui semblait.

Pourquoi n’y eût-il pas reçu de braves soldats et de dignes gentilshommes arrivant de Douai, où ils s’étaient bien conduits ?