Tout à coup, du côté opposé, la porte s’ouvrit, et un officier s’avançant :
— Madame, dit-il, le docteur Gilbert, qui venait pour entretenir le roi d’affaires importantes et pressées, demande l’honneur d’être reçu par Votre Majesté, le roi étant parti depuis une heure pour Meudon. — Qu’il entre ! dit la reine, fixant sur la porte un regard ferme jusqu’à la dureté ; tandis qu’Andrée, comme si elle eut naturellement dû trouver un soutien dans son mari, allait, en reculant, s’appuyer au bras du comte.
Gilbert parut sur le seuil de la porte.
LII
LA JOURNÉE DU 5 OCTOBRE
Gilbert jeta un coup d’œil sur les différents personnages que nous venons de mettre en scène, et s’avançant respectueusement vers Marie-Antoinette :
— La reine, dit-il, me permettra-t-elle, en l’absence de son auguste époux, de lui faire part des nouvelles que j’apporte ? — Parlez, Monsieur, dit Marie. En vous voyant venir si rapidement, j’ai appelé toute ma force à mon secours, car je me suis douté que vous m’apportiez quelque rude nouvelle. — La reine eût-elle préféré que je l’eusse laissée surprendre ? Avertie, la reine, avec cet esprit sain, ce jugement sûr qui la caractérisent, la reine ira au-devant du danger, et peut-être alors le danger reculera-t-il devant elle. — Voyons, Monsieur, ce danger, quel est-il ? — Madame, sept ou huit mille femmes sont parties de Paris, et viennent, armées, à Versailles. — Sept ou huit mille femmes ? dit la reine d’un air de mépris. — Oui, mais elles se seront arrêtées en route, et peut-être seront-elles quinze ou vingt mille en arrivant ici. — Et que viennent-elles faire ? — Elles ont faim, Madame, et elles viennent demander du pain au roi.
La reine se retourna vers Charny.
— Hélas ! Madame, dit le comte, ce que j’avais prévu est arrivé. — Que faire ? demanda Marie-Antoinette. — Prévenir le roi d’abord, dit Gilbert.
La reine se retourna vivement.
— Le roi ! Oh ! non, s’écria-t-elle. L’exposer, à quoi bon ?
Ce cri jaillit du cœur de Marie-Antoinette plutôt qu’il n’en sortit. Il