Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/429

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En ce moment, une voix glisse tout bas ces paroles à l’oreille de Gilbert :

— Monsieur de Lafayette arrive et n’est plus qu’à une demi-lieue d’ici. Gilbert cherche en vain qui lui a donné l’avis ; mais, de quelque part qu’il vienne, l’avis est bon.

Il regarde autour de lui, voit un cheval sans maître, c’est celui de l’un des deux gardes qui vient d’être tué.

Il saute dessus, et part au galop dans la direction de Paris. Le second cheval sans cavalier veut le suivre ; mais à peine a-t-il fait vingt pas sur la place, qu’il est arrêté par la bride. Gilbert croit qu’on devine son intention et qu’on veut le poursuivre. Il jette un regard derrière lui tout en s’éloignant.

On ne pense point à cela, on a faim. On pense à manger, et l’on égorge le cheval à coups de couteau.

Le cheval tombe, et en un instant est dépecé en vingt morceaux. Pendant ce temps, comme à Gilbert, on est venu dire au roi : Monsieur de Lafayette arrive.

Il venait de signer à Mounier l’acceptation des Droits de l’Homme.

Il venait de signer à Louison Chambry l’ordre de laisser venir les grains.

Munis de ce décret et de cet ordre, qui, pensait-on, devaient calmer tous les esprits, Maillard, Louison Chambry et un millier de femmes reprirent le chemin de Paris.

Aux premières maisons de la ville, elles rencontrèrent Lafayette, qui, pressé par Gilbert, arrivait au pas de course, conduisant la garde nationale.

— Vive le roi ! crièrent Maillard et les femmes levant leurs décrets au-dessus de leurs têtes. — Que parliez-vous donc des dangers que court Sa Majesté ? dit Lafayette étonné. — Venez, venez, général, s’écria Gilbert, continuant de le presser. Vous en jugerez vous-même.

Et Lafayette se hâte.

La garde nationale entre dans Versailles tambour battant. Aux premiers battements de tambour qui pénètrent dans Versailles, le roi sent qu’on le touche respectueusement au bras.

Il se retourne : c’est Andrée.

— Ah ! c’est vous, madame de Charny, dit-il. Que fait la reine ? — Sire, la reine vous fait supplier de partir, de ne pas attendre les Parisiens. A la suite de vos gardes et des soldats du régiment de Flandre, vous passerez partout. — Est-ce votre avis, monsieur de Charny ? demanda le roi. — Oui, sire, si du même coup vous traversez la frontière, sinon… — Sinon ? — Mieux vaut rester.