Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/439

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Puis, comme les assaillants se précipitent sur lui, il tire la porte en criant :

— Fermez le verrou, fermez ! Je vivrai assez longtemps pour donner à la reine le temps de se lever et de fuir. Et, en se retournant, il perce de sa baïonnette les deux premiers qu’il rencontre dans le corridor.

La reine a tout entendu, et quand Andrée entre dans sa chambre elle la trouve debout.

Deux de ses femmes, madame Hogué et madame Thibault l’habillent à la hâte.

Puis, à moitié vêtue, les deux femmes la poussent chez le roi par un corridor dérobé, tandis que toujours calme, et comme indifférente à son propre danger, Andrée ferme l’une après l’autre au verrou chaque porte qu’elle franchit en marchant sur les pas de Marie-Antoinette.


LV

LE MATIN


Un homme attendait la reine sur la limite des deux appartements. Cet homme, c’était Charny tout sanglant.

— Le roi ! s’écria Marie-Antoinette en voyant les vêtements rougis du jeune homme. Le roi ! Monsieur, vous avez promis de sauver le roi !

— Le roi est sauvé. Madame, répondit Charny.

Et, plongeant son regard à travers les portes que la reine avait laissées ouvertes pour arriver de chez elle à l’Œil-de-Bœuf, où se trouvaient réunis en ce moment la reine, madame Royale, le dauphin et quelques gardes, il s’apprêtait à demander où était Andrée, quand il rencontra le regard de la reine.

Ce regard arrêta la parole sur ses lèvres.

Mais le regard de la reine plongeait avant dans le cœur de Charny.

Il n’eut pas besoin de parler, Marie-Antoinette devina sa pensée.

— Elle vient, dit-elle ; soyez tranquille.

Et elle courut au dauphin, qu’elle prit dans ses bras.

En effet, Andrée fermait la dernière porte, et entrait à son tour dans la salle de l’Œil-de-Bœuf.

Andrée et Charny n’échangèrent pas un mot.

Le sourire de l’un répondit au sourire de l’autre, voilà tout.