Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/49

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— Eh bien ! qu’y a-t-il, voyons, parle ? demanda la vieille fille.

À ces paroles, prononcées cependant sans une sympathie bien tendre, Ange Pitou se mit à fondre en pleurs, et, il faut l’avouer, la grimace qu’il fit en passant de la plainte aux larmes fut des plus laides et des plus désagréables grimaces qui se puisse voir.

— Oh ! ma bonne tante ! il m’est arrivé un bien grand malheur, dit-il. — Et lequel ? demanda la vieille fille. — Monsieur l’abbé m’a renvoyé ! s’écria Ange Pitou en éclatant en d’énormes sanglots. — Renvoyé ? répéta mademoiselle Angélique, comme si elle n’eût pas bien compris. — Oui, ma tante. — Et d’où t’a-t-il renvoyé ? — De l’école.

Et les sanglots de Pitou redoublèrent.

— De l’école ? — Oui, ma tante. — Pour tout à fait ? — Oui, ma tante. — Ainsi, plus d’examens, plus de concours, plus de bourse, plus de séminaire ?

Les sanglots de Pitou se changèrent en hurlements. Mademoiselle Angélique le regarda comme si elle eût voulu lire jusqu’au fond du cœur de son neveu les causes de son renvoi.

— Gageons que vous avez encore fait l’école buissonnière, dit-elle ; gageons que vous avez encore été rôder du côté de la ferme du père Billot ? Fi ! un futur abbé !

Ange secoua la tête.

— Vous mentez ! s’écria la vieille fille, dont la colère s’augmentait à mesure qu’elle acquérait la certitude que la position était grave ; vous mentez ! Dimanche encore, on vous a vu dans l’allée des Soupirs avec la Billote.

C’était mademoiselle Angélique qui mentait ; mais en tout temps les dévots se sont cru autorisés à mentir, en vertu de cet axiome jésuitique : « Il est permis de plaider le faux pour savoir le vrai. »

— On ne m’a pas vu dans l’allée des Soupirs, dit Ange : c’est impossible ; nous nous promenions du côté de l’Orangerie. — Ah ! malheureux ! vous voyez bien que vous étiez avec elle. — Mais, ma tante, reprit Ange rougissant, il ne s’agit point ici de mademoiselle Billot. — Oui, appelle-la mademoiselle, pour cacher ton jeu, impie ! Mais j’avertirai son confesseur, à cette mijaurée ! — Mais, ma tante, je vous jure que mademoiselle Billot n’est pas une mijaurée. — Ah ! vous la défendez, quand c’est vous qui avez besoin d’excuse. Bien ! vous vous entendez ! de mieux en mieux. Où allons-nous, mon Dieu !… Des enfants de seize ans ! — Ma tante, bien au contraire que nous nous entendions avec Catherine, c’est Catherine qui me chasse toujours. — Ah ! vous voyez bien que vous vous coupez ! Voilà que vous l’appelez Catherine tout court, maintenant ! Oui, elle vous chasse, hypocrite… quand on la regarde. — Tiens, se dit Pitou, soudainement illuminé ; tiens, c’est vrai, je n’y avais jamais