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Pitou était arrivé a la porte de la rue en faisant face à son redoutable adversaire ; mais, acculé là, il fallait accepter le combat ou fuir. Mais pour fuir il fallait ouvrir la porte, et, pour ouvrir la porte, il fallait se retourner.

Or, en se retournant, Pitou offrait aux coups de l’abbé cette partie désarmée de son individu que Pitou ne trouvait même pas suffisamment protégée par une cuirasse.

— Ah ! tu veux mes fusils ! dit l’abbé… Ah ! tu viens chercher mes fusils !… Ah ! tu viens me dire : Vos fusils ou la mort !… — Monsieur l’abbé, dit Pitou, au contraire, je ne vous dis pas un mot de cela. — Eh bien ! tu sais où ils sont, mes fusils, égorge-moi pour t’en emparer. Passe sur mon cadavre et va les prendre. — Incapable, monsieur l’abbé, incapable.

Et Pitou, la main sur le loquet, l’œil sur le bras levé de l’abbé, calculait non plus le nombre des fusils renfermés dans l’arsenal de l’abbé, mais le nombre de coups suspendus aux lanières de son martinet.

— Ainsi donc, monsieur l’abbé, vous ne voulez pas me donner vos fusils ? — Non, je ne veux pas te les donner. — Vous ne voulez pas une fois ? — Non. — Deux fois ? — Non. — Trois fois ? — Non ! non ! non !

— Eh bien ! fit Pitou, gardez-les.

Et faisant un mouvement rapide, il se retourna et s’élança par la porte entr’ouverte.

Mais ce mouvement ne fut pas si rapide que le martinet intelligent ne s’abaissât sifflant, et ne sanglât si vigoureusement le bas des reins de Pitou, que, quel que fût le courage du vainqueur de la Bastille, il ne put s’empêcher de jeter un cri de douleur.

À ce cri, plusieurs voisins sortirent, et, à leur étonnement profond, ils aperçurent Pitou fuyant de toute la vitesse de ses jambes avec son casque et son sabre, et l’abbé Portier, debout sur le seuil de la porte brandissant son martinet, comme l’ange exterminateur son épée de flamme.


LXV

PITOU DIPLOMATE


Nous venons de voir comment Pitou était tombé du haut de ses espérances.

La chute était profonde. Satan foudroyé n’avait pas mesuré plus d’es-