Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/547

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s’en est fait à la place de la Bastille ; c’est une fameuse plante en cataplasmes.

Catherine, toute pâle et désarçonnée, ne trouva plus un mot.

Pitou se tut à son tour : il en avait assez dit.

La mère Billot, arrêtée à un carrefour allait prendre congé de ses compagnes.

Pitou, au supplice, car il venait de faire une blessure dont il sentait la douleur, se balançait alternativement sur l’une et l’autre jambe, comme un oiseau qui va s’envoler.

— Eh bien ! que dit l’officier ? cria la fermière. — Il dit qu’il va vous souhaiter le bonsoir, madame Billot. — Pas encors ; restez, dit Catherine, avec un accent presque désespéré. — Eh bien, bonsoir  ! dit la fermière. Viens-tu, Catherine ? — Oh ! dites-moi donc la vérité ! murmura la jeune fille. — Laquelle, Mademoiselle ? — Vous n’êtes donc pas mon ami ? — Hélas ! fit le malheureux, qui, sans expérience encore, débutait dans l’amour par ce terrible emploi des confidents, rôle dont les les habiles seuls savent tirer des bénéfices au détriment de leur amour propre.

Pitou sentit que son secret lui venait aux lèvres ; il sentit que le premier mot de Catherine allait le mettre à sa merci.

Mais il sentit en même temps que c’était fait de lui s’il parlait ; il sentit qu’il mourrait de douleur le jour où Catherine lui annoncerait ce qu’il ne faisait que soupçonner.

Cette appréhension le rendit muet comme un Romain. Il salua mademoiselle Catherine avec un respect qui perça le cœur de la jeune fille ; il salua madame Billot avec un gracieux sourire, et disparut dans l’épaisseur du bois.

Catherine, malgré elle, fit un bond comme pour le suivre. La mère Billot dit à sa fille :

— Ce garçon a du bon ; il est savant et il a du cœur. Demeuré seul, Pitou commença un long monologue sur ce thème.

— Est-ce cela qu’on appelle l’amour ? C’est bien fade à de certaine moments, et bien amer dans d’autres.

Le pauvre garçon était si naif et si bon qu’il ne rédéchissait pas qu’en amour il y a le miel et l’absinthe, et que monsieur Isidore avait pris pour lui le miel.

Catherine, à partir de ce moment où elle avait horriblement souffert, prit pour Pitou une sorte de crainte respectueuse qu’elle était bien loin d’avoir, quelques jours auparavant, pour cet inoffensif et grotesque personnage.

Quand on n’inspire pas d’amour, il n’est pas désobligeant d’inspirer un