Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/112

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il la reçut, ne lui fut pas indifférente au fond : Henri se regardait, à raison d’ailleurs, comme un des plus beaux garçons de la colonie, et, tout convenu qu’était son mariage avec sa cousine, tout son promis qu’il était enfin, il ne se faisait pas faute, en attendant, de coqueter avec les autres femmes. La chose lui était facile, au reste, Sara n’ayant jamais, soit insouciance, soit habitude, manifesté à cet égard la moindre jalousie.

Pour monsieur de Malmédie père, il se rengorgea fort à la vue de cette invitation qu’il relut trois fois et qui lui donna une plus haute idée encore de son importance, puisque, deux ou trois heures à peine après l’arrivée du gouverneur, il se trouvait déjà invité à dîner avec lui, honneur qu’il ne faisait, selon toute probabilité, qu’aux plus considérables de l’île.

Au reste, cela changea quelque chose aux dispositions prises par la famille Malmédie. Henri avait arrêté une grande chasse aux cerfs pour le dimanche et le lundi suivants, dans le quartier de la Savanne, qui, à cette époque, étant encore désert, abondait en grand gibier ; et, comme c’était en partie sur les propriétés de son père que la chasse devait avoir lieu, il avait invité une douzaine de ses amis à se trouver, le dimanche matin, à une charmante maison de campagne qu’il possédait sur les bords de la rivière Noire, l’un des quartiers les plus pittoresques de l’île. Or, il était impossible de maintenir les jours indiqués, attendu que l’un de ces jours était celui désigné par le gouverneur pour son bal ; il devenait donc urgent d’avancer la partie de vingt-quatre heures, et non pas pour messieurs de Malmédie seulement, mais encore pour une partie de leurs invités, qui devaient naturellement être appelés à l’honneur de dîner chez lord Murrey. Henri rentra donc chez lui pour écrire une douzaine de lettres que le nègre Bijou fut chargé de porter à leurs adresses respectives, et qui annonçaient aux chasseurs la modification apportée au premier projet.

Monsieur de Malmédie, de son côté, prit congé de Sara, sous le prétexte d’un rendez-vous d’affaire, mais en réalité pour annoncer à ses voisins que, dans trois jours, il pourrait leur dire franchement son opinion sur le nouveau gouverneur, attendu que, le lundi suivant, il dînait avec lui.