Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/147

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vous m’excuserez, je l’espère. J’ai refusé tout à l’heure la même demande à mon cousin, ne comptant pas danser ce soir.

Georges sourit de l’air d’un homme qui devine tout, et se releva en couvrant Henri d’un regard si parfaitement dédaigneux que lord Murrey comprit à ce regard et à celui par lequel répondit monsieur de Malmédie, qu’il y avait une haine profonde et invétérée entre ces deux hommes. Mais il garda cette observation dans le fond de son cœur, et comme s’il n’eût rien remarqué :

— Serait-ce un reste de votre terreur d’hier, dit-il à Sara, qui réagit sur vos plaisirs d’aujourd’hui ?

— Oui, milord, répondit Sara, je me sens même assez souffrante pour prier mon cousin de prévenir monsieur de Malmédie que je désirerais me retirer, et que je compte sur lui pour me ramener à la maison.

Henri et lord Murrey firent ensemble un mouvement pour obéir au désir de la jeune fille. Georges se pencha vivement :

— Vous avez un noble cœur, mademoiselle, dit-il à demi-voix, et je vous remercie.

Sara tressaillit et voulut répondre, mais déjà lord Murrey s’était rapproché. Elle ne fit qu’échanger presque malgré elle un regard avec Georges.

— Êtes-vous donc toujours décidée à nous quitter, mademoiselle ? dit le gouverneur.

— Hélas ! oui, répondit Sara. Je voudrais pouvoir rester, milord, mais… mais je souffre réellement.

— En ce cas, je comprends qu’il y aurait de l’égoïsme à moi d’essayer de vous retenir ; et comme la voiture de monsieur de Malmédie ne sera probablement point à la porte, je vais donner des ordres pour qu’on mette les chevaux à la mienne.

Et lord Murrey s’éloigna aussitôt.

— Sara, dit Georges, quand j’ai quitté l’Europe pour revenir ici, mon seul désir était d’y trouver un cœur comme le vôtre, mais je ne l’espérais pas.

— Monsieur, murmura Sara dominée malgré elle par l’accent profond de la voix de Georges, je ne sais ce que vous voulez dire.

— Je veux dire que, depuis le jour de mon arrivée, j’ai fait