Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/155

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À sept heures, Georges perdit tout espoir, et, le cœur serré comme s’il eût subi un malheur, le corps brisé comme s’il eût éprouvé une fatigue, il reprit le chemin de la Grande-Rivière, mais cette fois au pas et retenant son cheval, car cette fois il s’éloignait de Sara qui n’avait pas deviné sans doute que dix fois Georges était passé dans la rue de la Comédie et dans la rue du Gouvernement, c’est-à-dire à peine à cent pas d’elle. Il traversait donc le camp des noirs libres, situé en dehors de la ville, et retenant toujours Antrim qui ne comprenait rien à cette allure inaccoutumée, lorsqu’un homme sortit tout à coup de l’une des baraques et vint se jeter à l’étrier de son cheval, serrant ses genoux et lui baisant la main. — C’était le marchand chinois, — c’était l’homme à l’éventail, — c’était Miko-Miko.

À l’instant Georges comprit vaguement le parti qu’il pouvait tirer de cet homme, à qui son négoce permettait de s’introduire dans toutes les maisons, et qui, par son ignorance de la langue, n’inspirait aucune inquiétude.

Georges descendit et entra dans la boutique de Miko-Miko, lequel lui fit à l’instant même voir tous ses trésors. Il n’y avait pas à se tromper au sentiment que le pauvre diable avait voué à Georges, et qui s’échappait du fond de son cœur à chaque parole. — C’était tout simple : Miko-Miko, à part deux ou trois de ses compatriotes marchands comme lui et par conséquent, sinon ses ennemis, du moins ses rivaux, n’avait pas encore trouvé au Port-Louis une personne à qui parler sa langue. Aussi demanda-t-il à Georges de quelle façon il pouvait s’acquitter envers lui du bonheur qu’il lui devait.

Ce que Georges avait à lui demander était bien simple ; — c’était un plan intérieur de la maison de monsieur de Malmédie, afin, le cas échéant, de savoir comment parvenir jusqu’à Sara.

Aux premiers mots que dit Georges, Miko-Miko comprit tout : nous avons dit que les Chinois étaient les juifs de l’Île de France.

Seulement, pour faciliter les négociations de Miko-Miko avec Sara, et peut-être aussi dans une autre intention, Georges écrivit sur une de ses cartes de visite les prix des différents