Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quant à Georges, il comprenait si parfaitement le motif qui ramenait Jacques à son bord, qu’il n’essaya pas même de le détourner de ce projet. Seulement, il déclara à son frère que lui et son père l’accompagneraient jusqu’au delà de la chaîne du Piéterboot, du versant opposé de laquelle ils pouvaient voir Jacques s’embarquer, et une fois en mer le suivre des yeux jusqu’à son bâtiment.

Jacques partit donc accompagné de Georges et de son père, et tous trois, par des sentiers connus des seuls chasseurs, arrivèrent à la source de la rivière des Calebasses. Là, Jacques prit congé de ces amis de son cœur qu’il avait si peu vus, mais qu’il promit solennellement de revoir bientôt.

Une heure après, la chaloupe avait quitté le rivage, emmenant Jacques qui, fidèle à cet amour que le marin éprouve pour son navire, retournait sauver la Calypso ou périr avec elle.

À peine Jacques fut-il remonté à bord, que la goélette, qui jusque-là avait couru des bordées, mit le cap sur l’île de Sable et s’éloigna le plus rapidement qu’elle put vers le nord.

Pendant ce temps, le ciel et la mer étaient devenus de plus en plus menaçants. La mer mugissait et montait à vue d’œil, quoique ce ne fût pas l’heure de la marée. Le ciel, de son côté, comme s’il eût voulu rivaliser avec l’Océan, roulait des vagues de nuages qui couraient rapidement, et qui se déchiraient tout à coup pour laisser passer des rafales de vent variant de l’est-sud-est au sud-est et sud-sud-est. Cependant ces symptômes, pour tout autre que pour un marin, ne présageaient qu’une tempête ordinaire. Plusieurs fois déjà dans l’année, il y avait eu des menaces pareilles sans qu’elles fussent suivies d’aucune catastrophe. Mais en rentrant à l’habitation, Georges et son père furent forcés de reconnaitre la sagacité du coup d’œil de Jacques. Le mercure du baromètre était aussitôt descendu au-dessous de vingt-huit lignes.

Aussitôt Pierre Munier donna l’ordre au commandeur de faire couper partout les tiges des maniocs, afin de sauver au moins les racines qui, dans le cas où l’on ne prend pas cette précaution, sont presque toujours arrachées de terre et emportées par le vent.

De son côté, Georges donna à Ali l’ordre de lui seller An-